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Benoît XVI et la pédophilie …

par Dr.Zeinab Abdelaziz
Professeur de civilisation Française

 
Quiconque suit les nouvelles ces derniers temps sera bouleversé de voir à quel point le Vatican est ballotté par des révélations en cascade, accusé, diffamé, éclaboussé des pires des dégradations humaines, non seulement de traiter avec la Maffia italienne, la franc-maçonnerie, le détournement de capitaux ou de blanchissement, telle l'affaire de la Banque Ambrosiano, comme c'est déjà arrivé, mais de pédophilie !! Ce sont des scandales de pédophilie qui secouent régulièrement l'Eglise catholique à travers le monde, ou plutôt des scandales qui grandissent chaque jour "au sujet de la gestion équivoque et hypocrite de la sexualité dans le catholicisme" comme le dit la revue Golias.

Il s'avère clair et net, hélas, que l'homosexualité déniée, décriée et honnie comme étant scandaleuse, le pire des vices, est beaucoup plus présente, derrière les hautes murailles du Vatican et ses Institutions, qu'on ne puisse l'imaginer. Depuis des années l'existence de cette tare répugnante, de réseaux homophiles ou de prostitutions masculines, est signalée même au niveau épiscopal et cardinalice. Mais lorsque la gangrène touche les "Gentilshommes de sa Sainteté", c'est-à-dire l'entourage immédiat du pape, un arrêt s'impose. Il ne s'agit donc pas de les qualifier de "crimes abominables", de "crimes odieux", "des actes exécrables", d'exprimer "sa honte" ou ses "profonds regrets" officiellement et à haute voix, mais agir à fond pour éliminer efficacement les racines de ce drame. Ces déclarations de compassion sont insuffisantes surtout face à d'autres scandales d'abus sexuels, qui se révèlent dans d'autres secteurs, dans des établissements scolaires et des pensionnats, tenus par des Jésuites ou d'autres sectes, en Allemagne ou ailleurs de par le monde.

Il ne s'agit pas seulement de relancer une réorganisation importante de l'Eglise, comme disent les déclarations vaticanes, d'encourager un "renouveau de la foi dans le Christ et restaurer la crédibilité morale et spirituelle de l'Eglise" pour la préserver d'une tempête qui fait peur. Le mal commis, qui détruit l'amour propre de milliers de jeunes innocents, est un mal qui les marque pour toujours. Une dignité humaine violée porte à jamais les marques de ce viol, quels que soient les remèdes ou les compensations monétaires qu'on leur accorde. Nulle personne ne saura exprimer ou décrire la douleur et la colère, le sentiment de trahison, de scandale et de honte que vit et ressent chacune de ces victimes. Ce n'est donc pas la nécessité d'une réflexion théologique plus profonde sur toute la question qu'il faut, mais l'éradication de la cause même de cette ignoble distorsion ecclésiastique.

Il est révoltant d'apprendre, d'après le Guardian, qui déclancha l'affaire de l'Irlande, qui l'Eglise considère l'homosexualité seulement comme "un dérèglement", qu'elle "ne condamne pas absolument" mais "n'approuve en aucun cas".

Cette dernière affaire éclata en mai et en novembre 2009 grâce aux deux volumineux rapports de la Justice irlandaise, intitulés le "Murphy Commission Report", qui révélèrent des abus sexuels commis par 46 prêtres sur des centaines de mineurs, et qui étaient couverts par la hiérarchie catholique durant des dizaines d'années. Ils révélaient aussi que plusieurs évêques, restés silencieux, étaient informés et couvraient ces crimes perpétrés durant une trentaine d'année en déplaçant les prêtres incriminés sans prévenir les paroisses suivantes de leur danger !! Un autre scandale secoue l'Eglise catholique allemande depuis six semaines, puis surgit un nouveau : l'évêché de Ratisbonne dit disposer d'informations sur des abus présumés entre 1958 et 1973. Le frère du pape actuel, Georg Ratzinger, était chef du chœur de 1964 à 1993.

En 2002, à la suite de révélations d'abus sexuels commis par des milliers de prêtres aux Etats-Unis, Jean-Paul II avait, pour la première fois, convoqué les cardinaux américains. Ce qui rompait avec la culture du silence et du tabou. Face à l'étendu du scandale, l'Eglise catholique américaine a rédigé une Charte pour la protection des enfants et des jeunes, éliminant toute tolérance à l'égard des criminels.

En octobre 2007, le cardinal Roger Mahony demande solennellement pardon, à Los Angeles, pour "le crime et le péché terribles" que représentent les agressions sexuelles commises par 221 prêtres, moines, catéchistes et autres membres de l'archevêché catholique pendant plus de soixante-dix ans, dont 508 personnes ont été des victimes déclarés, et Dieu seul sait le nombre de ceux qui préférèrent le mutisme à la honte diffamatoire. Si durant ces quelques décennies on compte par milliers le nombre d'enfants et de jeunes adultes agressés, le moral brisé, à combien de millions s'élèverait le nombre de ce genre de victimes depuis que le célibat a été imposé au clergé au quatrième siècle ?!

A la messe de clôture des JMJ à Sidney, en juillet 2008 et pour la première fois, Benoît XVI s'est dit "profondément désolé" pour les maltraitances sexuelles commises par le clergé australien. Cette déclaration du pape marque une nouvelle étape dans la reconnaissance d'un scandale révoltant qui a terni la réputation de l'Eglise catholique dans plusieurs pays, surtout aux Etats-Unis, où il avait déjà exprimé "sa honte" au mois d'avril lors d'une visite.

Aux Etats-Unis, les poursuites pour abus sexuels, dommages et intérêts pour les victimes, frais de procédures et d'avocats y compris, ont coûtés plus de deux milliards de dollars à l'Eglise catholique américaine. Si l'on ajoute les sommes qui viendront se joindre d'autres pays, on ne peut que se révolter pour tant de milliards de dollars gaspillés pour des scandales ignobles.

Ce 6 mars 2010, le cardinal Walter Kasper, l'un des proches collaborateurs de Benoît XVI, annonce : "J'imagine qu'une problématique aussi scabreuse apparue non seulement en Irlande mais aussi aux Pays-Bas, en Allemagne et aux Etats-Unis, mérite une analyse plus large concernant peut-être l'Eglise universelle, et pas un seul pays", et ne tarde pas d'ajouter que c'était "au Saint Père de le décider".

Pour le Pape, "l'affaiblissement de la foi a été un facteur déterminant qui a contribué au phénomène d'abus sexuel sur les mineurs"… Il a demandé à ce sujet "une réflexion théologique profonde", et a appelé à "une meilleur préparation humaine, spirituelle, académique et pastorale des candidats à la prêtrise et à la vie religieuse". Ce qui veut dire qu'il ne touche pas au vrai fond du problème, qui est le célibat imposé par les Pères et les Conciles, célibat qui impose aux hommes d'agir et de vivre contre la nature humaine que Dieu a Créé sous la forme de Homme et Femme. Là une interrogation s'impose : comment le Pape ne cesse de dénoncer et de combattre les mariages gays, alors que son Institution ne cesse, les long des siècles, de fournir ou de façonner les données premières de la pédophilie sur Terre ?! Ce n'est sûrement pas un affaiblissement de la foi mais une déviation de la nature humaine imposée par l'Eglise. On ne saura jamais assez crier : cessez d'être la vraie cause de cette infamie qui déracine et exacerbe des millions d'innocents le long de l'histoire.

En fait, l'histoire de la pédophilie dans l'Eglise catholique est mal connue, non seulement faute de documents avérés sur ce sujet, mais parce que le sujet était occulté par un double tabou : le vœux de chasteté qui interdit aux prêtres toute relation sexuelle, et la réprobation de rapports sexuels avec un mineur. Ce qui laisse entrevoir qu'elle est admise avec des majeurs !

Le thème était abordé dans le roman, le théâtre et quelques auteurs de fiction, à travers des siècles, mettant à nu des histoires morbides qui se passaient entre les couvents de prêtres et ceux des sœurs religieuses ou dans les catacombes. La vie intime de certains Papes et leurs suites à travers l'histoire est plus que décevante. Mais dans les temps modernes c'est déjà avant 1950 que des scandales publics éclataient, à ne citer que l'affaire du Grand-duché de Luxembourg, vers 1954, du curé Kneip, ou celle d'un curé à Mamer, au Luxembourg toujours.

Jusqu'à nos jours, l'histoire de la discipline ecclésiastique du célibat ne fait pas l'unanimité, car la loi du célibat ne se trouve point dans les évangiles canoniques. Elle a été imposée d'autorité au IV° siècle au Concile d'Elvire, qui semble être un virage en la matière. Le Concile in Trullo (691-692) stigmatise le célibat des prêtres, pratiqué à Rome depuis longtemps, et interdit aux prêtres de renvoyer leurs femmes au nom de leur sacerdoce. Si on regarde les évangiles, ils disent clairement :

Matthieu : "Etant venu dans la maison de Pierre, Jésus vit sa belle-mère alitée, avec la fièvre. Il lui toucha la main, la fièvre la quitta, elle se leva et elle le servait" (8 : 14-15).
Luc : "partant de la synagogue, il entra dans la maison de Simon. La belle-mère de Simon était en proie à une très forte fièvre, et ils le prièrent à son sujet. Se penchant sur elle, il menaça la fièvre et elle la quitta; à l'instant même, se levant elle les servait" (4 : 38-39).
Paul : "N'avons-nous pas le droit d'emmener avec nous une femme chrétienne, comme les autres apôtres, et les frères du Seigneur, et Céphas ? (1 Cor. 9 : 5).

D'après les deux premiers versets, supposés de deux principaux apôtres, on voit que Pierre/Simon était marié, puisque Jésus a soigné sa belle-mère, et Pierre/Simon avait une fille, puisque l'Eglise en fit sainte Pétronille ; d'après le troisième verset, Paul, auquel le Vatican vient de consacrer une année entière de célébrations pour mettre en relief son importance, dit que les apôtres, et les frères du Seigneur, et Céphas, étaient tous mariés. D'où vient donc ce prétendu célibat ?

Même si Paul au début du chapitre 7 dit, dans cette première épître aux Corinthiens : "J'en vient maintenant à ce que vous m'avez écrit. Il est bon pour l'homme de s'abstenir de la femme", il ne tarde pas à ajouter à la phrase d'après : "Toutefois, à cause des débauches, que chaque homme ait sa femme et chaque femme son mari. Que le mari s'acquitte de son devoir envers sa femme, et pareillement la femme envers son mari. La femme ne dispose pas de son corps, mais le mari. Pareillement, le mari ne dispose pas de son corps, mais la femme. Ne vous refusez pas l'un à l'autre, si ce n'est d'un commun accord, pour un temps, afin de vaquer à la prière ; et de nouveau soyez ensemble, de peur que Satan ne profite, pour vous tenter, de votre incontinence" (1-5). Il est nettement dit que pour éviter les débauches, il faut se préserver par le mariage.

Au verset 8 du même chapitre il précise : "Je dis toutefois aux célibataires et aux veuves qu'il leur est bon de demeurer comme moi. Mais s'ils ne peuvent se contenir, qu'ils se marient : mieux vaut se marier que brûler". Donc, même s'il est fait allusion au célibat, ce n'est point obligatoire, mais au choix de la personne et selon ses propres capacités et sa propre volonté.

Dans la première épître à Timothée, Paul décrit l'épiscope en disant : "Aussi faut-il que l'épiscope soit irréprochable, mari d'une seule femme, qu'il soit sobre, pondéré, courtois, hospitalier, apte à l'enseignement, ni buveur ni batailleur, mais bienveillant, ennemi des chicanes, détaché de l'argent, sachant bien gouverner sa propre maison et tenir ses enfants dans la soumission d'une manière parfaitement digne" (3 :2-4). Quant au diacre, il dit dans la même épître et au même chapitre : "Les diacres doivent être maris d'une seule femme, savoir bien gouverner leurs enfants et leurs propre maison" (12).

Cependant, au III° et IV° siècle, les Pères de l'Eglise s'accordent pour promouvoir la continence après l'ordination en la présentant comme une tradition apostolique. Une tradition apostolique veut dire qu'elle remonte aux apôtres. A-t-on besoin ici de souligner le mensonge historique contraire aux textes des évangiles ? On vient de voire que les apôtres, et les frères du Seigneur, et Céphas, étaient tous mariés d'après le texte des évangiles…

En fait, toute cette tradition est non écrite, sa force ne tient pas à une expression canonique, la première datant du IV° siècle. Le Synode d'Elvire de l'an 300, représente le plus ancien texte juridique sur le célibat qui ait été conservé, marque un tournant. Le canon 33 impose aux clercs supérieurs une continence absolue, tandis qu'il avait été jusqu'alors permis de poursuivre la vie matrimoniale même après l'ordination si le mariage avait été contracté avant cette dernière. Le canon disant : "On est tombé d'accord sur l'interdiction totale faite aux évêques, aux diacres, c'est-à-dire à tous les clercs employés au service de l'autel, d'avoir, de commercer avec leurs épouses et de procréer des enfants ; cependant, celui qui l'aura fait devra être exclu de l'état clérical".

La littérature patristique est un témoin de la foi et de la vie de l'Eglise antique faisant autorité. Aucun texte relatif à la loi du célibat n'a été conservé pour les trois premiers siècles ni pour la confirmer ni pour l'infirmer, alors que la continence absolue est attestée chez les auteurs du IV° siècle. Par contre, il est dit que les Papes ont joué un rôle essentiel dans la défense de cette tradition, puisque le XI° et le XII° siècles ont connu l'une des plus graves crises de la discipline de la continence des clercs. D'autre part les Conciles in Trullo, de Carthage, la Réforme, celui de Trente et les Séminaires en parlent. Ce qui veut dire que c'est une règle qui a toujours été débattue, qu'elle fut institué par le Pape Grégoire VII, en dépit de l'opposition virulente du clergé italien et allemand. Cependant, elle fut mise sois le boisseau à Vatican II. Inutile de rappeler que le Cardinal Ratzinger, Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi entre 1981 et 2005, avant d'être élu Pape, écrit le 18 mars 2001, une lettre sur les délits graves des cas de déviances sexuelles commis par les membres du clergés, pour les placer sous le "Secret pontifical"…

Avec les révélations de nouveaux abus sexuels qui se suivent, accusant le Vatican et ses épaisses murailles, il triste et révoltant à la fois de voir que les deux sociétés, l'ecclésiastique et la civile, commencent à se lancer la balle et les accusations, au lieu de prendre au sérieux un problème qui affecte et porte atteinte à la société internationale dans son ensemble ! Le 9 mars courant le Père Lombardi, directeur des media du Saint Siège a publié une note minimisant "le nombre de victimes vérifiés des prêtres à 17, alors qu'il y en a 510 dans d'autres milieux", dit-il, c'est-à-dire hors du Vatican, et comprenne qui voudra !

Au lieu de se perdre dans de faux labyrinthes en cherchant des échappatoires dans l'étude du lexique pédophilique, ou de s'entre-lancer les accusations, n'est-il pas plus honnête de faire une analyse plus large de la gestion "équivoque et hypocrite" de toute l'affaire ? N'est-il pas plus honnête, surtout au Vatican, de supprimer le célibat des ecclésiastiques, qui représente en fait la faute "religieuse", si l'on peut dire, la plus lourde de conséquences sur les deux sociétés, l'ecclésiastique et la civile ?

10 mars 2010

 

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